mardi 14 mai 2013

Sciences abjectes (4)

ÉLÉMENTS DE GRAFFITOLOGIE (Ethnologie des communications murales)

un projet d'étude scientifique sans matériel, sans méthode et sans résultats.


A l'heure où l'on communique tant de missives et si peu d'utiles que c'en est à pleurer (pleurez-moi dessus, tiens), il est une forme de messagerie, anonyme et gratuite, dont j'ignore si elle tombe en désuétude ou si elle est destinée à survivre aussi longtemps que l'espèce humaine. Je pencherais, soit dit en passant, pour la seconde solution (bien que la première demeure probable).

Le graffiti, en effet, est un moyen de contestation aussi ancien que le mur et, à la différence de ce dernier, absolument inutile. Son principal domaine d'expression est les WC publics. D'un seul côté ou bien des deux? Je n'en ai pas la moindre idée, et je n'irai pas vérifier. De ce que je peux voir, c'est inanité sur obscénité, je ne m'attarderai donc pas. Je souhaiterais juste mentionner le fait que parmi une grande majorité de gribouillis sans intérêt, on peut parfois déterrer quelques trouvailles. Je rends hommage par exemple au découvreur de ce merveilleux mot-valise, immortalisé dans un carreau de faïence:
Je devais me rendre compte ensuite que le concept existait déjà. En revanche, j'ignore en quoi il consiste.

La majeure partie de l'intérêt de la graffitologie reste toutefois de s'essayer au dialogue avec l'inconnu, et mieux, d'en observer les réactions lorsqu'on écrit n'importe quoi sans en avoir l'air. Ça devient de la vraie socio-psychologie. Par exemple, des déviances mystiques obscures accompagnées de diverses formules mathématiques absconses pour faire plus vrai. Les maths c'est le mal, ais-je pu lire autrefois; son auteur avait là amplement raison, et je suis d'avis que ma fascination pour l'analyse et autres lois de probabilité n'est autre que malsaine. Cela ne fait qu'ajouter à mon charme soit dit en passant.


Procédé inverse: répondre mystérieusement aux mystérieux graffitis des autres. Les crucifix (en noir) sont un peu effacés, mais c'est encore celui qui a le mieux tenu. Pas de moi en fait.

Un exemple de provocation par moi, un peu aidé par une blatte, sur la galerie supérieure d'un certain  mur d'escalade abandonné. Cet essai n'a pas connu de réponse avant que la pluie l'efface, comme du reste tous ceux que j'ai tentés récemment...
Les réponses, il faut bien l'avouer, sont rares; mais celles qu'on peut obtenir valent le coup, ne serait-ce que pour la satisfaction de les avoir eues. J'ai souvenir d'une d'entre elles que ma sottise a amené à ne pas immortaliser, et, l'humidité des surfaces sauvages étant ce qu'elle est, le dialogue est aujourd'hui perdu. J'ai approximativement reconstitué de mémoire. Nous  (c'est-à-dire pas moi, ou si peu) engagions ainsi:
"Josh, Eve, le crâne de Thomas, la sorcière Heïci: mourez tous pour avoir provoqué notre colère."
Réponse, au marqueur bleu glacial:
"Nik ta mer Heïci   RDV mercredi 11h"

J'aimerais me dire qu'il a pris peur mais il s'est sans doute autant marré que nous. Au moins, le procédé a fonctionné; mais il n'a plus marché depuis. En somme, nous sommes là face à la frustration classique des scientists de tout poil, égales ou presque à celle des auteurs, qui est de devoir produire des dizaines et centaines et milliers d'essais pour obtenir quelque chose de concluant, comme en génétique formelle (chère et absconse génétique formelle).
Je perds espoir et me désole que ce permanent marker n'est pas aussi permanent qu'il veut bien le prétendre. D'où ultime attaque, peu à peu ternie et toujours sans réponse:
C'est pas pour autant que je m'arrêterai...
Ah, si vous aviez vous même tenté ce genre d'expérience sociopathétique, comme je serais heureux d'en recueillir les résultats! A bon entendeur et mal comprenant, salut.

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