samedi 2 février 2013

Une histoire du Moyen-Âge - Chapitre V

L'armée d'Orquaksie s'est scindée en deux et s'adonne au pillage pour forcer l'armée du Fondor à réagir. La fraction commandée par Elidine est attaquée par surprise par les troupes de Crochie: croyant l'heure venue, Elidine fait rassembler ses troupes.

Une semaine plus tard, le duc des Chênaies arrivait avec ses troupes dans le campement où l'attendait son maréchal. Lui aussi avait vaincu partout, mais sans rencontrer aucun perfide chasseur embusqué. Pourtant, il était bien sombre son supérieur comme il l'accueillait: du temps avait passé et aucune nouvelle attaque ne se profilait. Aussi, l'armée réunie se remit en marche vers la cité lacustre de Russigrol avec l'intention affichée de faire un triomphe sanglant, qui heurterait peut-être enfin l'ennemi. Comme elle se trompait! La plus puissante armée du monde allait s'engager dans le plus long siège de son temps, siège qui s'étendit sur deux années entières.
L'hiver y fut en fait pour beaucoup. La cité était matériellement bien défendue, mais pas aussi bien que l'était Bonbonnes; la garnison, en fait, était plus abondante, le ravitaillement mieux assuré - des jardins intérieurs fournissaient aux habitants une bonne part de leur pitance, et il y avait en les remparts quelques pâturages, et quantité de poisson dans le lac... Mais l'hiver fut rude, un hiver qui étend partout son gel, jusque dans les actes et les avancées des soldats des deux camps, bien que plus l'un que l'autre.
Or donc le siège commença fin septembre - on ne sait quand précisément - et il fallut bien que les choses s'éternisent avant que le froid ne vienne cristalliser les choses. Simplement, un chef de garnison compétent (le Grand Gendarme Bortek) et la présence charismatique de militaires dits compétents (la commanderie des Chevaliers de l'Ermitage) permit au siège à ses débuts d'afficher un aspect plus conventionnel: les actions de surface se révélèrent inefficaces face aux défenseurs inspirés (et assez nombreux). D'autre part - cruel coup du sort - les sapeurs voyaient leur avancée rendue impossible par le sol rocheux, à une époque où plus aucun explosif n'existait pour faire sauter les protubérances.
Aussi, Elidine et le duc, vexés de devoir faire comme tout le monde, installèrent leur campement avec la ferme volonté de rester jusqu'à ce que les défenseurs soient tous morts de faim; ce qui prendrait forcément pas mal de temps, comme nous l'avons vu.

Plan du siège; type de travaux d'approche engagés à Russigrol, avec échelle casquée.
On décrit toujours ce campement comme suit: une ville entourant la ville. Les commandants de l'armée Orquaksienne avaient-ils été inspirés par les fortifs de Bonbonnes, toujours est-il que, prévoyant les tentatives de sortie, le camp n'était qu'une longue suite de palissades, de fossés et de tentes, savamment emberlificotés (le plan ci-dessus étant fortement élagué). On avait même fait apporter de la redoutable lande des rouleaux de ronces sèches et acérées comme on en trouvait alors des hectares et des hectares. Bien sûr, le duc avait aussi pris soin de faire surveiller les arrières du camp, usant des mêmes stratagèmes, pour le cas où l'armée impériale arriverait sans prévenir. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle ne se montra pas pendant toute la durée du siège, soit, rappelons-le, plus de deux ans. Les longues procédures pour punir l'estermaest de sa "trahison" avaient semé une certaine confusion dans l'état-major, divisé en pro- et anti-Skerkop, et l'armée fut incapable d'aucun mouvement cohérent pour une durée interminable. D'autant que d'autres problèmes vinrent se fixer pour parfaire l'ensemble, mais nous y reviendrons...
Le siège durait ainsi depuis pas loin de deux mois et le froid commençait à faire son apparition, rude et gerçant. Pendant cette durée, pas d'action notable: si l'on entendait du bruit ou de la fureur, ce n'était jamais pour longtemps et venant de toute façon de tout petits officiers qui voulaient conduire leurs propres hommes en dépit des ordres. Or un jour, vers fin novembre, alors que le sol givré donnait à la terre un éclat céleste, les portes s'ouvrirent. Ce n'était pas en brandissant le drapeau blanc: il s'agissait bien d'une troupe nombreuse et déterminée venue briser nonchalamment les minables palissades de l'ennemi pour le renvoyer à la mer.
Il est temps de préciser quelque peu ce que sont les Chevaliers de l'Ermitage, car ce sont eux qui menèrent la charge. Les Chevaliers étaient de grands romantiques qui s'étaient conçu une image de fameux guerriers; concept parfaitement artificiel du reste, puisque d'invention intégralement récente. Parmi cette caste, ceux de l'Ermitage étaient les plus exacerbéristes des principes les plus draconiens (comme de se décrire avec des termes alambiqués); ainsi, tous grands guerriers fanatiques qu'ils se voulaient, la plupart d'entre eux n'avaient jamais combattu. Ces romantiques avaient en effet des idées autrement plus originales: dès le jour de leur intronisation, ils se retiraient en rase campagne, seuls ou avec quelques camarades, et passaient alors leur vie à s'entraîner, rigoureusement mais sans adversaire. Quand résonnait l'appel aux armes - c'était d'ailleurs la première fois depuis la fondation de l'Ordre - ils quittaient leur retraite, se rassemblaient à la commanderie et s'efforçaient de livrer un unique combat héroïque où ils devaient tous mourir avec de nombreuses victimes à leur actif. L'Ordre avait alors une vingtaine d'années et pas une seule victoire ni même bataille dans ses annales. Cette charge était le tout premier combat de ces chevaliers à peine sortis de leur cellophane.
Ainsi donc, le Grand Gendarme voyait s'éloigner une bonne partie de sa garnison, partie très charismatique et à même de maintenir l'ordre dans ses rangs à grand renfort d'oraisons chauvines. Il les vit disparaître dans la brume, longeant les rives du lac où, paraît-il, les fossés étaient moins profonds. On se demandait alors, oubliant soudain quels excellents soldats ils prétendaient être, si leur succès était si certain.
A suivre: deux épisodes en plus, avec fin du gros siège puis grosse bagarre dans la boue.

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